mardi 29 août 2017

[avis] Et soudain, la liberté de Caroline Laurent et Evelyne Pisier



* coup de cœur *

Second coup de cœur de la rentrée littéraire avec Et soudain, la liberté.
(Pour rappel le premier coup de cœur est pour le roman de Martin Diwo « Pour te perdre un peu moins » dont mon avis est déjà en ligne : voir ici)
Je ne connaissais pas du tout Evelyne Pisier avant de lire ce roman qui oscille entre biographie romancée et entretien/mémoire.
Quel magnifique roman, hommage à cette grande femme, quelle magnifique écriture de Caroline Laurent.

Caroline Laurent reçoit un jour un manuscrit, c’est celui de Evelyne Pisier, elle désire « raconter l’histoire de sa mère et à travers elle la sienne, une histoire fascinante qui couvrait 60 ans de vie politique, de combats, d’amour et de drames (...) »

Pari réussi, j’ai adoré suivre ces 2 femmes et en miroir l’histoire de la mère de Caroline Laurent. Même si celle-ci n’apparaît que peu dans le roman et que j’aurais aimé en savoir plus c’est un très bel hommage que l’auteure, Caroline Laurent, rend à ces 2 femmes, l’une l’amie rencontrée grâce au manuscrit, Evelyne Pisier, l’autre sa mère.

Ce roman est passionnant à plus d’un titre, pour son côté historique, 60 années si riche en faits et personnages célèbres, et pour son côté féministe.
Quelle femme passionnante Evelyne Pisier devait être. Et tellement intelligente aussi, elle que son père ne prédestinait qu’à être épouse lui a fait à beau pied de nez.
J’ai vu qu’elle avait écrit des romans, je pense les lire.
Revenons à Et Soudain, la liberté.

Le livre commence en Indochine, aujourd’hui Vietnam, la petite Lucie fête ses 7 ans, combien elle est fière d’avoir atteint l’âge de raison, oui, mais la petite est très attachée à Tibai, sa nounou, son père un être profondément raciste, partisan du gouvernement de Vichy, il est en poste là-bas jusqu’à ce que la révolution commence.
Mona la mère de Lucie, au début du roman est conforme à ce qu’on attend d’une femme à cette époque, elle soutient son mari, quoi qu’il dise ou fasse : il a raison.
Au fur et à mesure et surtout grâce à la lecture de « le deuxième sexe » de Simone de Beauvoir elle va s’émanciper, d’abord en portant simplement un pantalon d’équitation puis en passant son permis.
Mona veut que sa fille, Lucie, puisse faire des études, ne pas seulement être une épouse, elle lui interdit d’ailleurs de faire la cuisine et de faire son lit.
Lucie qui au départ voit son père comme un héros, en grandissant comprend tous les enjeux politiques derrière les colonies, elle aussi commence à se révolter.
La petite Lucie devenue adulte sera une fervente militante avec sa mère pour toutes sortes de causes, mais surtout les droits des femmes.

J’ai adoré suivre d’un côté l’évolution des mœurs de Mona, pas simple à cette époque de divorcer surtout qu’elle éprouve encore le besoin du regard des hommes, elle a besoin d’être aimée, et en parallèle suivre Lucie (en réalité Evelyne Pisier) sur 60 ans.
La partie à Hanoï est à la fois tendre, sa relation avec Tibai est belle, et dure, je ne savais pas du tout que les Françaises avaient été internées dans des camps, en fait en lisant ce roman je me suis rendu compte que, la passionnée d’histoire que je suis, a encore beaucoup à apprendre.
Après Hanoï, ce sera le départ pour Nouméa, le nouveau poste de son père.
J’ai vraiment détesté ce personnage, quel être infect, sûr de ses idées et ceux qui n’y croient pas sont pour lui des êtres dénués d’intérêt.
Je ne peux vous raconter tous les différents voyages de Lucie, je vous gâcherai une grande partie du roman.

Sachez que côté historique vous lirez la révolte en Indochine, les bombes à Hiroshima et Nagasaki, la colonisation et l’abus de ses « blancs » tout puissants, la récolte du caoutchouc pour une certaine entreprise Michelin, on vous parlera de Hô Chi Minh, de la correspondance et du lien qui unissait Lucie avec Fidel Castro, du docteur Vallejo, de Che Guevara et de son assassinat, du communisme, de Ferré et Mouloudji, de Regis Debray, de mai 68, du Printemps de Prague, Tito en Yougoslavie, l’URSS, etc.

À côté de ce côté historique dense et passionnant vécut par ces 2 femmes, Mona et Lucie, il y a les combats qu’elles mènent toutes 2 : l’émancipation de la femme, le droit à l’avortement, le droit à la contraception, la décolonisation, le bras de fer qu’elles doivent faire contre cette société patriarcale.
Ce sont 2 femmes passionnées, Mona vit un peu à travers Lucie certains combats qu’elle aurait voulu mener (notamment les études qu’elle a dû abandonner), mais est quand même très active sur le terrain.
Lucie rejette toutes les idées que son père, son héros de l’enfance, lui a inculquées, elle rejette en masse ses pensées, elle soutiendra activement les idéaux communistes, partira à Cuba soutenir la révolution, manifestera contre la guerre du Vietnam tout en continuant l’émancipation de la femme que cela soit du côté culturel, intellectuel ou sexuel.
Mona embrassera la cause homosexuelle, elle aidera les malades du sida, elle militera aussi dans les plannings familiaux.
Ce sont des femmes, des égaux de l’homme.
Il faut se rappeler que ces faits se sont déroulés à partir des années 50 pour comprendre combien ces 2 femmes étaient inspirantes (et le sont toujours à mes yeux) et inspirées, en 60 ans combien la condition féministe à évolué.

Du côté de l’écriture j’ai tout simplement adoré, autant les parties sur Lucie que les parties où l’auteure Caroline Laurent nous parle de sa peur d’échouer à faire de ce livre ce que Évelyne voulait qu’il soit, des nuits blanches qu’elle a passées à écrire, elle nous parle de son enfance et sa mère mauricienne, de la couleur de leurs peaux pas identiques et qu’on ait pu mettre en doute leur filiation.
Je peux la rassurer, pari réussi, j’ai compris et aimé Mona et Lucie, Lucie m’a passionnée et je ne compte pas à en rester là, j’ai besoin de lire encore et de comprendre cette femme tellement intelligente, qui, je pense, m’aurait beaucoup impressionné si je l’avais rencontrée et qui a l’air d’une telle simplicité. Je voudrais aussi dire à Caroline Laurent que je suis certaine qu’Évelyne est totalement d’accord avec les libertés prises pour certains faits ou intervenants. 
On ressent la profonde amitié qui a lié les 2 auteures ainsi que le profond respect de Caroline Laurent pour Evelyne Pisier.

Je suis frustrée de ne pas arriver à mettre en mots la beauté et la richesse de ce livre, lisez-le, vraiment, autant pour les passionnés d’histoire que pour le féminisme à ses débuts, l’évolution de notre société, les mœurs de l’époque, les voyages de Saigon, Hanoï, Nouméa, Cuba, et tellement plus le tout porté par la magnifique écriture de Caroline Laurent.


En 2013 j’avais lu Z le roman de Zelda qui fut un coup de cœur, j’ai le même ressenti ici, j’aime les romans où l’on nous parle de femmes fortes qui sont nos contemporaines et, qui, ont très certainement influencé une partie de nos vies actuelles. 

Et soudain, la liberté de Caroline Laurent et Evelyne Pisier - Biographie romancée - 448 pages, 19,90€ - Édition Les Escales, en librairie le 31 août 2017

1 commentaire:

  1. Coucou, superbe chronique , je suis touchée par ces deux femmes. hop hop sur la liste,bisous

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